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Une plume, des mondes
14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (10)

Jour du départ +13 

 

Je suis au chevet du Seigneur Manallan depuis hier soir. Entre temps, j’ai également eu une foule de choses à faire qui ne m’ont pas laissé le temps d’écrire. L’heure est grave. Avant-hier dans la nuit, une lueur est apparue sur la mer, à faible distance de nous. Le Commandant a immédiatement été appelé auprès du Gith qui tenait la barre. Je l’ai suivi bien entendu, malgré ma fatigue. Il n’était pas question que je rate la moindre information palpitante. 

Une heure plus tard, la lueur s’était rapprochée, nous laissant deviner l’ampleur d’une voile. 

Encore une heure, et il est devenu évident que nous étions la proie. Le navire ennemi se rapprochait de nous à toute allure, et nous n’avions nulle envie de découvrir ce qu’il attendait de nous. Il nous était impossible d’éteindre nos propres lampes au risque de voyager dans le noir et ne pas percevoir un obstacle sur cette mer tourmentée. Le Commandant a fait appeler les mages du vaisseau. Ils étaient au nombre de trois, loqueteux et hagards d’être ainsi tiré du lit en pleine nuit. 

Manallan leur demanda s’ils étaient capable d’influer suffisamment sur le vent pour nous donner une avance considérable. Notre vaisseau est à voile et ne possède pas de rameurs, contrairement à celui de notre assaillant selon les pronostics du Commandant, qui se sont avérés vérifiés. Les mages ont ouvert grand les yeux, nous ont regardés comme si nous étions les Dieux incarnés avant de se répandre en de longues explications confuses et embrouillées. 

Manallan les a congédiés d’un geste de la main, dégoûté d’une telle nullité, en leur ordonnant de se préparer à devoir combattre. Je crois que cette perspective ne les enchantait guère et ils auraient presque été capables de nous créer une brise à ce moment-là, mais le Commandant était déjà passé à autre chose. 

Il a rassemblé les quelques officiers présents sur le navire. Les familles Giths ont été envoyées au fond des cales pour se protéger tandis qu’un plan était mis en place par le commandement. Les soldats toutefois ne semblaient guère se faire d’illusion, et je crois que l’on aurait pu résumer l’ordre final en un « battez-vous pour vos vies ».

Les officiers sont partis peu après réveiller leurs hommes et organiser les marins, race naturellement portée sur le combat, afin de préparer une défense s’il s’avérait que le nouveau venu était hostile. 

Il nous a rejoint peu avant l’aube. Un long navire élancé aux flancs percés de dizaines de rames. Le pavillon nous était bien entendu inconnu, pauvres Giths enfermés depuis si longtemps sur leur île, et même les marins n’avaient jamais vu de telles couleurs. 

Les événements nous ont pourtant rapidement aiguillés sur les intentions de ce vaisseau. Arrivé à notre hauteur, les étrangers ont déployé une infinité de grappins armés sur ce qui ressemblait à des arbalètes géantes. Les tirs ont percé notre coque en plusieurs endroits tandis qu’une traction soudainement irrépressible attirait notre bateau vers le leur. Sur le pont, à quelques mètres de nous, des êtres sensiblement semblables à nous, n’eut été la couleur de leur peau, nous regardaient avec des airs goguenards. Une impressionnante batterie d’armes en tout genre ornaient leurs mains et il ne fit  rapidement plus nul doute qu’ils avaient décidé de nous piller. 

J’ignore ce qui a pu les attirer dans cette vieille coque de noix sur laquelle nous voguons. Notre navire était plus petit que le leur, plus bas sur l’eau et nous ne transportions nul objet de convoitise. Le hasard probablement. Ils nous avaient repéré de nuit et cherchaient probablement plus l’aventure que le gain, sans toutefois négliger aucun des deux. 

Etonnamment, j’étais plus excitée que réellement inquiète et j’avais déjà été chercher mon épée d’entraînement, au grand dépit de Manallan. Il m’ordonna de descendre à l’abri avec les familles mais je refusais fermement, lui indiquant que je tenais enfin l’occasion de mettre en pratique ses instructions. 

J’ignore désormais ce qui m’a poussée à tant d’effronterie et de stupidité, mais je crois qu’Elle n’y est pas inconnue. Elle est là, tapie quelque part en moi, celle que Manallan a reconnu le premier jour, et même si je n’ai pas réussi à en apprendre beaucoup plus sur elle, je sais qu’elle n’est pas loin. 

Que je vous raconte tout. 

C’est au moment où les coques se sont percutées que le soleil a décidé de faire son apparition. Les premiers rayons m’ont frappée en même temps que le fracas du bois qui craque et les cris des ennemis. La douleur s’est emparée de moi, la souffrance m’a consumée, mais bien plus brève qu’à son habitude. Manallan m’a regardée avec effroi avant d’embrocher un énergumène brandissant une grande double hache. Les soldats Giths s’étaient alignés avec ordre sur le pont et leurs boucliers étincelants dans la matinée leur donnait fière allure. Mais la suite se perdit dans le désordre. 

J’ai eu le temps d’aviser une mèche de cheveux blancs issue de ma coiffure, avant de me rendre compte qu’il s’agissait de l’état entier de ma chevelure. Le plat de ma lame m’a offert un spectacle déroutant. Ce n’était plus moi. La femme qui me regardait de son oeil clair dans l’épée avait l’allure altière d’une haute noblesse et les traits d’un âge plus avancé. La blancheur incarnée de tout son être me donna la nausée, mais une sensation plus grande broyait mon estomac. 

J’avais envie de sang. J’en avais besoin. Laver l’affront de ces impies par leur propre mort et l’offrande de leur vie. 

La suite fut une mêlée épouvantable, une succession de cris et la découverte de mon talent impressionnant à l’épée sous cette apparence. Je tuai plus d’ennemis que je ne pouvais en décompter, frappant, parant, esquivant avec une expérience qui dépassait de très loin la mienne, et nous nous retrouvâmes rapidement avec Manallan en territoire pleinement hostile, enfermés par les corps grimaçants des êtres nous ayant abordés. Les Giths plus loin semblaient également tenir l’assaut, mais les créatures à la peau plus foncée que la nôtre étaient de loin supérieures en nombre. 

Le Seigneur Manallan reçut un mauvais coup. Ma force finit par s’évanouir, et je la suivis rapidement dans l’inconscience, au beau milieu d’un combat pour notre vie. Mon épée était rouge de sang et mon pantalon ne pourrait plus jamais retrouver sa couleur originelle. 

Mais Manallan a désormais besoin de moi, il vient de se réveiller. Je reprendrai ce récit lorsque j’aurai de nouveau du temps libre. 

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