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Une plume, des mondes

22 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (11)

Jour du départ +14 

 

Je n’ai toujours pas retrouvé mon apparence ordinaire. Cette étrange inconnue semble s’être installée en moi et je ne suis pas capable de la faire partir. J’ignore ce que le seigneur Manallan a pu dire aux autres occupants du navire à mon égard, mais ils me regardent tous désormais avec une déférence étonnante. Face à la faiblesse du commandant, les marins semblent m’avoir pris comme chef de remplacement, ce qui me laisse assez surprise.

J’ai toutefois été éduquée dans le rôle d’une dirigeante, même si je n’ai guère eu l’occasion de mettre les choses en pratique, et les cours dont on m’a abreuvée pendant des années trouvent enfin leur dénouement. 

Suite à mon évanouissement lors du combat, il semble que les mages se soient enfin décidés à se réveiller. L’un d’eux a produit, parait-il, une boule de feu telle qu’elle a grillé net une bonne partie des assaillants. Je lui en suis très reconnaissante. Après cela, ce fut la débandade chez nos ennemis, et nous fûmes conduits, Manallan et moi, à l’abri dans sa cabine. Je me suis réveillée peu après, en pleine forme, tandis que le seigneur présentait toujours des signes de faiblesse. Depuis, je le veille. 

Les aubes se sont avérées beaucoup plus reposantes depuis qu’Elle ne vient plus me torturer. Elle semble se délecter d’avoir réussi à prendre finalement le dessus et je dois avouer que je commence à goûter à ce nouveau corps. Je sais que ma réaction n’est pas normale, que je devrais déjà paniquer et m’affoler, mais c’est loin d’être le cas. J’apprécie cette acuité nouvelle de ma vue, qui me permet de repérer de si loin les mouettes criardes planant au-dessus des flots. J’aime cette sensibilité de mes oreilles, désormais capables de discerner le moindre changement de souffle du seigneur Manallan pour m’indiquer le moment de son repos et le moment de ses tourments. Chacun de mes gestes est plus précis. Et je finis par me demander qui je suis devenue. 

Manallan n’a pas encore réussi à se tenir éveillé assez longtemps pour me présenter une explication, et mes journées sont suffisamment occupées pour que je m’inquiète de cela pour l’heure.

Un navire est le centre d’une étrange économie. Les ressources sont très limitées, de telle sorte qu’il nous faut quantifier chaque portion avec exactitude pour éviter la pénurie. La pluie frappe rarement à nos portes, nous obligeant à consommer l’eau avec modération, ce pour quoi les marins se dévouent volontiers, se sacrifiant au rhum, et les poissons mordent rarement des lignes qui voguent sur l’eau à toute allure. Nous attrapons bien, dans nos filets, quelques animaux aquatiques, mais tous ne sont pas comestibles, et le brave Gith qui se charge de la cuisine depuis l’embarquement semble n’être guère friand de ces bestioles à écailler. Je peux le comprendre. 

Aussi ai-je été assaillie depuis trois jours de questions sur l’intendance, me forçant à m’intéresser aux comptes tenus jusqu’alors par Manallan, les corrigeant, les précisant, tout en attribuant à chaque âme sur le navire de quoi assurer sa juste subsistance. Il est impossible encore de savoir quand nous arrivons sur notre nouvelle terre, aussi vaut-il mieux rester précautionneux. 

Le combat a en outre laissé des traces sur notre navire. Si vous avons pu récupérer quelques planches sur le vaisseau ennemi, après avoir envoyé par dessus bord la plupart de ses derniers occupants, notre Onde fringante présente des dégâts importants sur toute la longueur gauche de la coque. Notre timonier a refusé de prendre place sur l’autre bateau, nous indiquant qu’il ne maîtrisait pas son système de navigation. Nul n’a rechigné, imaginant mal le transfert compliqué que cela aurait impliqué. Nous nous sommes dont contenté de récupérer à l’ennemi quelques tonneaux d’eau et de rhum, ainsi que quelques fruits et légumes visiblement encore frais. Je crois avoir vu circuler quelques bourses et pièces d’or, mais je ferme les yeux là-dessus. 

L’or ne me sera d’aucune utilité dans la vie que je désire être la mienne. Ou tout du moins, je veux gagner loyalement celui que j’obtiendrai, pour enfin m’assumer seule. Il en est assez de cette noblesse ridicule. Je veux me libérer de ce carcan amer, de cette cage aux barreaux finement ouvragés, je vaux bien plus que tout cela, et j’ai décidé désormais de le prouver. 

Voilà donc trois jours que je supervise également les travaux du mieux que je le peux malgré mes faibles connaissances en la matière, m’appuyant, avec confiance, sur les dires du chef de quart qui semble bien connaître son métier. Manallan m’a indiqué que je pouvais pleinement m’en remettre à lui, aussi ai-je pris plus garde à cet officier, Méaulf, et me suis découvert une certaine affinité avec lui. Tout en restant un marin, il est d’une intelligence vive et d’une courtoisie chaleureuse qui m’offrent un réconfort bienveillant lorsque les choses commence à se compliquer un peu trop pour moi.

Manallan m’appelle de nouveau à son chevet. L’heure de mon écriture est terminée.

 

-----

 

Je crois que le coup sur la tête l’a plus affecté qu’il ne veut bien le dire. Manallan est devenu fou. Il m’a demandé de lui montrer ma cicatrice sur la hanche, ce que j’ai fait en toute confiance, me rendant ainsi compte que même cet autre corps possédait toujours cette étrange marque. Alors que ses doigts s’attardaient sur la fine ligne, il a soudain brandi son couteau, l’envoyant droit sur ma hanche. Seuls les prodigieux réflexes de celle qui m’habite désormais m’ont permis de l’esquiver avant de le débarrasser de sa lame d’une habile torsion du poignet. La fatigue immédiatement l’a rattrapé, le laissant hagard sur son lit, me regardant avec un mélange de haine et de froide détermination. 

Il s’est ensuite mis à hurler que j’aurais dû me laisser faire, que je ne méritais pas d’exister, que cette satané déesse allait me brûler de l’intérieur comme elle le faisait toujours, me consommant et me détruisant. Il a essayé alors de m’étrangler. Je l’ai repoussé. J’ai quitté la cabine. Les choses deviennent de plus en plus étranges. 

Serais-je habitée par la déesse de la Lune, ainsi qu’il semble le penser ? Une telle pâleur, une telle grâce, un visage sans âge... L’idée est tentante. Pourtant, en regardant l’astre giron, alors que je suis allongée sur ce hamac tremblotant pendu près de la barre, une étrange hésitation demeure. Quelque chose ne colle pas. Les dieux peuvent-ils s’incarner ? Pourquoi aurais-je été la victime d’une telle usurpation ?

Il va me falloir réfléchir.

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14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (10)

Jour du départ +13 

 

Je suis au chevet du Seigneur Manallan depuis hier soir. Entre temps, j’ai également eu une foule de choses à faire qui ne m’ont pas laissé le temps d’écrire. L’heure est grave. Avant-hier dans la nuit, une lueur est apparue sur la mer, à faible distance de nous. Le Commandant a immédiatement été appelé auprès du Gith qui tenait la barre. Je l’ai suivi bien entendu, malgré ma fatigue. Il n’était pas question que je rate la moindre information palpitante. 

Une heure plus tard, la lueur s’était rapprochée, nous laissant deviner l’ampleur d’une voile. 

Encore une heure, et il est devenu évident que nous étions la proie. Le navire ennemi se rapprochait de nous à toute allure, et nous n’avions nulle envie de découvrir ce qu’il attendait de nous. Il nous était impossible d’éteindre nos propres lampes au risque de voyager dans le noir et ne pas percevoir un obstacle sur cette mer tourmentée. Le Commandant a fait appeler les mages du vaisseau. Ils étaient au nombre de trois, loqueteux et hagards d’être ainsi tiré du lit en pleine nuit. 

Manallan leur demanda s’ils étaient capable d’influer suffisamment sur le vent pour nous donner une avance considérable. Notre vaisseau est à voile et ne possède pas de rameurs, contrairement à celui de notre assaillant selon les pronostics du Commandant, qui se sont avérés vérifiés. Les mages ont ouvert grand les yeux, nous ont regardés comme si nous étions les Dieux incarnés avant de se répandre en de longues explications confuses et embrouillées. 

Manallan les a congédiés d’un geste de la main, dégoûté d’une telle nullité, en leur ordonnant de se préparer à devoir combattre. Je crois que cette perspective ne les enchantait guère et ils auraient presque été capables de nous créer une brise à ce moment-là, mais le Commandant était déjà passé à autre chose. 

Il a rassemblé les quelques officiers présents sur le navire. Les familles Giths ont été envoyées au fond des cales pour se protéger tandis qu’un plan était mis en place par le commandement. Les soldats toutefois ne semblaient guère se faire d’illusion, et je crois que l’on aurait pu résumer l’ordre final en un « battez-vous pour vos vies ».

Les officiers sont partis peu après réveiller leurs hommes et organiser les marins, race naturellement portée sur le combat, afin de préparer une défense s’il s’avérait que le nouveau venu était hostile. 

Il nous a rejoint peu avant l’aube. Un long navire élancé aux flancs percés de dizaines de rames. Le pavillon nous était bien entendu inconnu, pauvres Giths enfermés depuis si longtemps sur leur île, et même les marins n’avaient jamais vu de telles couleurs. 

Les événements nous ont pourtant rapidement aiguillés sur les intentions de ce vaisseau. Arrivé à notre hauteur, les étrangers ont déployé une infinité de grappins armés sur ce qui ressemblait à des arbalètes géantes. Les tirs ont percé notre coque en plusieurs endroits tandis qu’une traction soudainement irrépressible attirait notre bateau vers le leur. Sur le pont, à quelques mètres de nous, des êtres sensiblement semblables à nous, n’eut été la couleur de leur peau, nous regardaient avec des airs goguenards. Une impressionnante batterie d’armes en tout genre ornaient leurs mains et il ne fit  rapidement plus nul doute qu’ils avaient décidé de nous piller. 

J’ignore ce qui a pu les attirer dans cette vieille coque de noix sur laquelle nous voguons. Notre navire était plus petit que le leur, plus bas sur l’eau et nous ne transportions nul objet de convoitise. Le hasard probablement. Ils nous avaient repéré de nuit et cherchaient probablement plus l’aventure que le gain, sans toutefois négliger aucun des deux. 

Etonnamment, j’étais plus excitée que réellement inquiète et j’avais déjà été chercher mon épée d’entraînement, au grand dépit de Manallan. Il m’ordonna de descendre à l’abri avec les familles mais je refusais fermement, lui indiquant que je tenais enfin l’occasion de mettre en pratique ses instructions. 

J’ignore désormais ce qui m’a poussée à tant d’effronterie et de stupidité, mais je crois qu’Elle n’y est pas inconnue. Elle est là, tapie quelque part en moi, celle que Manallan a reconnu le premier jour, et même si je n’ai pas réussi à en apprendre beaucoup plus sur elle, je sais qu’elle n’est pas loin. 

Que je vous raconte tout. 

C’est au moment où les coques se sont percutées que le soleil a décidé de faire son apparition. Les premiers rayons m’ont frappée en même temps que le fracas du bois qui craque et les cris des ennemis. La douleur s’est emparée de moi, la souffrance m’a consumée, mais bien plus brève qu’à son habitude. Manallan m’a regardée avec effroi avant d’embrocher un énergumène brandissant une grande double hache. Les soldats Giths s’étaient alignés avec ordre sur le pont et leurs boucliers étincelants dans la matinée leur donnait fière allure. Mais la suite se perdit dans le désordre. 

J’ai eu le temps d’aviser une mèche de cheveux blancs issue de ma coiffure, avant de me rendre compte qu’il s’agissait de l’état entier de ma chevelure. Le plat de ma lame m’a offert un spectacle déroutant. Ce n’était plus moi. La femme qui me regardait de son oeil clair dans l’épée avait l’allure altière d’une haute noblesse et les traits d’un âge plus avancé. La blancheur incarnée de tout son être me donna la nausée, mais une sensation plus grande broyait mon estomac. 

J’avais envie de sang. J’en avais besoin. Laver l’affront de ces impies par leur propre mort et l’offrande de leur vie. 

La suite fut une mêlée épouvantable, une succession de cris et la découverte de mon talent impressionnant à l’épée sous cette apparence. Je tuai plus d’ennemis que je ne pouvais en décompter, frappant, parant, esquivant avec une expérience qui dépassait de très loin la mienne, et nous nous retrouvâmes rapidement avec Manallan en territoire pleinement hostile, enfermés par les corps grimaçants des êtres nous ayant abordés. Les Giths plus loin semblaient également tenir l’assaut, mais les créatures à la peau plus foncée que la nôtre étaient de loin supérieures en nombre. 

Le Seigneur Manallan reçut un mauvais coup. Ma force finit par s’évanouir, et je la suivis rapidement dans l’inconscience, au beau milieu d’un combat pour notre vie. Mon épée était rouge de sang et mon pantalon ne pourrait plus jamais retrouver sa couleur originelle. 

Mais Manallan a désormais besoin de moi, il vient de se réveiller. Je reprendrai ce récit lorsque j’aurai de nouveau du temps libre. 

14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (9)

Jour du départ +11

 

Manallan est merveilleux ! Aujourd’hui, j’ai eu mon quatrième entraînement sur le bateau. L’épée que m’a confiée le Commandant commence à peser agréablement dans ma main. Je ne suis toujours pas capable de le toucher, mais je parviens enfin à me défendre un peu. Il y va doucement avec moi je crois, mais ses coups commencent à être pour moi plus prévisibles et mon bras se place instantanément, ou presque, comme il faut pour parer. Tout mon corps commence à saisir cette dynamique étrange du combat, cette nécessité d’esquiver et de se placer plus vite que mon esprit ne peut le prévoir.

J’acquiers des réflexes et j’en suis ravie. Cet entraînement commence enfin à porter ces fruits. Mon corps également se muscle. Ce soir, la fatigue, bien que présente, me permet tout de même d’écrire un peu dans ce journal, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. 

Le Seigneur Manallan est un instructeur rigoureux et exigeant. Ma peau se pare désormais d’une infinité de contusions. Il frappe toujours du plat de la lame, mais mon épiderme s’orne facilement de ces petites marques. Il ne le sait pas, je ne les lui ai jamais montrées, et je pense qu’il s’en voudrait. Mais depuis que la plaie sur ma hanche s’est refermée, me laissant pour seul souvenir une longue cicatrice et une légère boiterie, il n’a plus demandé à l’observer et n’a donc plus eu d’occasion de voir ma peau dénudée. Il se contente chaque soir d’un sortilège de soin assez primaire sur ma personne afin d’effacer un peu les courbatures selon lui, mais il n’existe pas un muscle de mon corps qui ne me fasse souffrir en permanence. Je me sens encore gauche et peu douée, mais doucement je m’affute je le crois. Et mon pied se fait à la houle avec habileté. Je ne perds pratiquement plus l’équilibre.

Je n’entrerai pas ici dans le détail de mon entraînement, cela n’a aucun intérêt. Je suis juste heureuse qu’un avenir enfin se dessine et me permette d’envisager ma vie avec un peu plus de sérénité. J’ignore si je deviendrai une grande épéiste, même si je compte bien y mettre tout mon coeur. La suite promet d’être intéressante. 

Je vais dormir, je ne tiens déjà plus. L’écriture est une activité à laquelle je prête de plus en plus de vertu. Elle me permet de faire le point et comprendre les événements avec acuité. Elle vide également mon esprit et me détend. Le sommeil ne sera pas long à venir. 

14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (8)

Jour du départ +9

 

Je déteste Manallan. Je hais ce rafiot efflanqué. Je veux m’en aller d’ici, qu’on m’oublie pour un bon moment. Dieux tous puissants, si vous existez, sortez-moi de là. Je retourne pour ma part à mon sommeil et mes cauchemars.

14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (7)

Jour du départ +8

 

Je suis nulle. C’était une idée épouvantable. Manallan m’a dit que je me débrouillais plutôt bien, mais je suis certaine qu’il ne dit ça que pour me rassurer. Je suis épuisée. Je te raconterai tout cela plus tard. Demain. Je vais dormir. 

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14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (6)

Jour du départ +7

 

La solution a fini par s’imposer, si simple que j’en aurais presque pleuré de frustration. 

J’ai à ma disposition l’un des plus grands combattants de Lastre. Il n’y a qu’à lui demander de m’enseigner l’art des armes. Je suis forte et plus grande que la plupart de mes consoeurs Giths. Je sais que je suis capable de parvenir à quelque chose, j’en suis certaine. 

Je n’ai pas encore osé le demander à Manallan. Il semble fatigué aujourd’hui, et à l’aube, lors de ma crise de souffrance, il m’a même gratifiée d’un regard mauvais. Je le lui demanderai ce soir, je me le promets. Encouragez-moi lecteur, cela pourrait-me servir, qui sait ? J’ignore si l’avenir peut avoir une influence sur le passé. Après tout, pourquoi pas ? Il est possible que vous soyez un puissant mage capable d’affecter des choses très lointaines, que ce soit dans l’espace ou dans le temps. Cela ne pourra pas me faire de mal de toute manière.

Je ne sais si les Dieux veillent sur nous. J’en doute, sinon ils n’auraient pas laissé les Githyankis nous tailler ainsi en pièces. 

 

-----

 

Il a accepté ! Il a trouvé que c’était même une excellente idée ! Dès demain matin, je prendrai les armes et Manallan m’enseignera ce qu’il sait ! Merveilleuse nouvelle, j’ai tellement hâte. Je vais avoir du mal à m’endormir. Je te raconterai tout ça, cher lecteur. Je te le promets. 

14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (5)

Jour du départ +6

 

Hier, j’ai pu remarcher enfin. Sous la direction du Seigneur Manallan, j’ai effectué quelques pas sur le pont, laborieux du fait du roulis des vagues et de ma faiblesse. Je boîte un peu. Le commandant s’est excusé en m’indiquant que cela risquait d’être permanent, mais je n’en ai que faire. Je retrouve la sensation de mes muscles avec satisfaction. Cela n’aurait jamais été possible aussi vite sans l’intervention de mon soigneur. 

Mon corps m’a paru étranger et bizarrement pataud. J’ai mis cela sur le compte de ma récente convalescence, mais je demeure mal à l’aise à son égard. Quelque chose ne va pas. 

Pour le reste de la journée, j’ai discuté avec le Seigneur Manallan. Il n’a pas fait référence à l’incident du matin, il a orienté la conversation vers une voie que je n’aurais pas soupçonné. Nous avons parlé magie. 

Je n’ai jamais eu un énorme potentiel magique. J’étais une élève travailleuse mais assez faible en pratique, et même en rusant par l’élaboration d’incantations toujours plus complexes, je n’ai jamais réussi à obtenir de grands résultats. Cela exaspérait Béolin. Qu’est-ce que j’y peux moi ? 

Je n’ai pas non plus de grande sensibilité à la magie, je le crains. Tandis que certains de mes camarades vantaient l’incommensurable puissance de Kros et la difficulté qu’ils avaient à rester à sa proximité, elle n’a jamais été pour moi plus qu’un énorme caillou gardien de la ville. M’en approcher ne réveillait en moi ni dégoût, ni puissance, ni quoi que ce soit d’autre. 

Lorsque j’ai expliqué cela à Manallan, il a ri, avant de me révéler qu’il était, sur ce point, semblable à moi. Puis il m’a raconté plus en détail sa vie, ses rapports avec le Roy, les raisons qui l’ont poussé à renier la prêtrise. Il était étrange qu’il se livre ainsi à une étrangère, mais cela ne semblait pas le perturber. 

Manallan est un ami d’enfance du Roy. Lorsque ce dernier a confirmé qu’il aspirait à des fonctions de pouvoir, Manallan a choisi la voie de la protection. Il s’est engagé dans l’ordre des prêtres et a développé sa magie des soins, son endurance ainsi que divers sortilèges de soutien. Il était doué pour cela alors qu’il n’avait aucune prédisposition pour la magie offensive. Selon lui, les deux types d’arcanes n’ont rien à voir. 

Puis Arnash est arrivé. Il a pris la place de garde du corps du Roy. Manallan a été remercié et écarté. 

Je n’ose imaginer la douleur que l’on ressent dans une telle situation. Une telle trahison doit être dure à surmonter. Manallan parle de ces instants avec toujours de la douleur de la voix, alors pourtant que tout ceci a plus de vingt ans. 

Le prêtre a envisagé un temps de quitter Lastre, ne pouvant faire face à sa défaite le front haut, mais il avait trop de fierté pour se résoudre à la fuite. Il a rendu sa cape et son bâton, a acheté une épée et s’est exilé quelques mois dans les bas quartiers de Lastre. Il n’est pas entré dans le détail de son entraînement, mais j’en déduis qu’il a été long et éprouvant. 

Lorsqu’il est revenu, il était devenu l’une des plus fines lames de la ville. Pourtant, Arnash l‘a défait sans aucune difficulté. Le Roy lui a proposé des fonctions de commandement dans l’armée, Manallan a accepté, désireux de s’éloigner encore de la Cour. Cette confiance perdue un temps, il ne l’a jamais pleinement retrouvée, et les stigmates de ses doutes se lisent encore sur son visage. 

Son histoire m’a touchée. 

J’ai eu du mal à m’endormir le soir. Beaucoup de questions m’ont hantée. Que vais-je devenir désormais ? Que vais-je faire de ma vie ? J’ai volontairement renié ma famille, j’ai perdu mon statut de noble, je ne suis plus rien aux yeux du Roy. Je vais devoir m’en sortir par moi-même désormais et affronter la suite des événements avec fierté. Cette terre où nous devons accoster, Manallan m’en a un peu parlé. Nous n’en savons pas grand chose, mais les lieux semblent hostiles. Je doute qu’une érudit intéresse qui que ce soit dans une telle situation. Je n’ai pas les capacités magiques pour devenir une mage valable. 

Le sommeil a fini par me trouver, mais les questions demeurent. 

Jusqu’à l’aube. J’ai de nouveau hurlé, j’ai de nouveau souffert. 

Manallan était prêt cette fois. Avant que je n’aie le temps de comprendre pleinement, il m’a refaite dormir je crois. J’en ressens une certaine frustration, une certaine colère. Mais je ne comprends toujours pas pleinement. 

Il va falloir surveiller les choses de près. 

Je finirai par comprendre.

14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (4)

Jour du départ +5 

 

 

Lastre est loin désormais. Mon coeur saigne chaque jour. J’aimais cette ville, j’aimais cette île. 

Mais vous vous moquez probablement de tout cela. Non, je ne suis pas morte, même s’il semblerait que ce soit pas pas passé loin. Pourquoi est-ce que je continue à écrire puisque j’ai fait mes révélations ? Je ne sais pas, j’y ai pris goût je crois. Et j’ai peur. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, alors je veux tout noter comme cela se passe pour tenter de démêler par la suite les événements. 

C’est un marin venu chercher un tonneau de rhum qui m’a trouvée agonisante sous ma couverture de toile. Immédiatement, il est parti chercher le commandant du navire. L’[i]Onde fringante[/i] se nomme le vaisseau, au cas où cela vous intéresserait d’ailleurs. 

Le Seigneur Manallan est un Gith de grande taille à l’allure noble et à la longue chevelure de neige. Sur son visage aux traits fins, des tatouages s’entrelacent autour de ses yeux d’ambre perçants. Il est un proche du Roy, mais je n’ai pas réussi à savoir encore à quel point. Si ses compétences martiales sont développées, il a suivi une formation de prêtre dans sa jeunesse avant de renier cette voie pour prendre les armes. C’est toutefois le seul soigneur qu’il nous reste sur le navire, aussi est-ce directement à lui que l’on m’a confiée. 

Malgré sa préférence pour les talents physiques, il possède une grande puissance magique et surtout énormément de connaissances à ce sujet. Je n’ai pas de souvenir précis de ses soins tant j’étais proche de la mort en cet instant, mais il m’a depuis accordé une part non négligeable de son attention. Je crois qu’il s’ennuie sur ce bateau entre les rustres soldats et les marins ivrognes. Rencontrer quelqu’un de son éducation doit être d’un certain réconfort, du moins j’aime à le croire. 

Je ne me suis réveillée que tard hier soir après des heures sombres de lutte contre la souffrance et l’inconscience. Le Seigneur était à mes côtés, m’ayant fait transféré directement dans sa propre cabine. Il lisait je ne sais quel rapport, le raturant souvent à grands traits de plume. Dès qu’il a vu que j’émergeais de ma torpeur, il a repoussé son travail pour venir s’assoir à mon chevet. Sa première question a été de connaître mon prénom. 

Il n’était pas question que je lui donne de quoi me rattacher à mon père. Je voulais renier pleinement ce passé que j’abhorre. Pourtant, l’esprit encore embrumé d’une journée d’inconscience, je n’avais pas d’idée, lorsqu’un nom a franchi mes lèvres sans que je n’y réfléchisse nullement. Un mot sorti des tréfonds de mon être, d’une entité inconnue quelque part en moi. 

Nuit. 

Lorsqu’il m’a demandé de qui j’étais la fille, je n’ai pu répondre que des Ténèbres. 

Son regard s’est étréci à cette évocation mais il s’est contenté de sourire avant d’apposer sa main sur mon front. La fièvre était tombée. Il a ensuite sollicité ma permission pour vérifier la plaie sur ma hanche. En soulevant les draps, j’ai pu découvrir que mes vêtements avaient été changés, ce pour quoi Manallan m’a offert un regard contrit. Le pantalon de soie fine est tellement plus agréable à porter que les loques que j’avais jusque là. 

Ma hanche était bandée. Avec une douceur surprenante pour un guerrier, il a défait le pansement avant de nettoyer la chair tuméfiée par la plaie. Sous mon regard, la blessure apparaissait nouvelle. L’on n’aurait presque pu voir le tracé de la lame ayant entaillé ma peau. Pourtant, les mains du Seigneur s’y sont posées sans aucun dégoût. Une douce chaleur, un effleurement affectueux et les bords de la plaie se sont peu à peu rapprochées. La douleur était grande et cela picotait et grattait mais j’ai voulu garder mon impassibilité. Serrant les dents, je l’ai regardé faire sans mot dire. 

Au bout de quelques soupirs, nulle trace ne demeurait qu’une fine cicatrice en forme de croissant. Manallan a blêmi un peu plus que ne le lui permettait son teint déjà pâle avant d’avaler le plein contenu d’un verre posé sur la table à côté du lit. 

Te souviens-tu comment tu t’es fait ça ? a été sa question suivante. 

Mon esprit était déjà plus clair. Je lui ai expliqué avoir croisé un Githyanki dans ma fuite jusqu’au bateau qui a tenté de m’embrocher avant que je ne l’assomme par une incantation. Ni lui ni moi n’avons été convaincu de cette explication, je le crains, mais il n’a pas insisté. 

J’ai passé le reste de la soirée à dormir tandis qu’il reprenait son travail. 

Jusqu’à l’aube. 

Une brûlure m’a réveillée. Un embrasement de mon corps tout entier, une souffrance plus intense que ce que j’ai jamais connu. J’ai crié. J’ai hurlé. Je me suis tordue sur le lit. J’ai bavé, j’ai pleuré et j’ai gémi avant qu’une main froide ne se pose sur mon front. La fraicheur peu à peu a combattu la douleur, dans une longue lutte, la terreur a reflué en même temps que les flammes jusqu’à ce que je puisse ouvrir les yeux. 

Le Seigneur Manallan, assis près de moi, me regardait avec un intérêt qu’il ne tenait pas à cacher. Il m’est apparu différent, étonnamment familier. J’ai remarqué le pli soucieux au coin de ses lèvres que je n’avais pas vu auparavant, la légère cicatrice sur sa gorge jusqu’à son oreille. Et je savais ce qu’il allait dire. 

Tu es revenue. 

Une simple constatation. J’ai répondu sans aucune surprise, sans aucune hésitation.

Oui. 

Je ne me souviens plus pourquoi, mais ce fut en cet instant tellement logique. 

Qu’as-tu fait de la Gith ? 

Il s’inquiétait. J’ai ri. 

Elle est là, elle t’écoute. 

Puis je me suis évanouie. Je crois que Manallan y est pour quelque chose, j’ai cru le voir bouger avant de retomber sur les oreillers. Je ne sais plus. 

Tout est flou. J’ai peur, mais je crois que le Seigneur Manallan prendra soin de moi. Il est là toujours, il a été chercher pour moi ce carnet afin que je puisse poursuivre mon oeuvre. Je ne sais pas s’il a osé le lire. Je pense qu’un homme de son honneur doit avoir assez de respect pour s’en abstenir. 

Les choses prennent un tour étrange.

14 novembre 2013

Nuit ~ Cendres et Neige (2)

Nuit lâche le dernier brin d’herbe en soupirant. L’aube s’achève sur une dernière teinte rouge avant que le ciel immensément bleu n’occupe toute la vue. Il est l’heure de retourner à des occupations saines et chronophages. Après le lever du soleil, la Gith perd sa solitude pour retourner à sa vie réelle, la douleur cesse. Le rêve alors est rangé au fond de son esprit, la neige effacée de ses soucis, tandis que la prêtresse se compose un visage affable et accueillant. La malédiction s’effondre. 

Voilà plusieurs jours déjà qu’elle a créé sa guilde dans l’espoir de trouver une solution à ce rêve qui la hante...

Elle n’a réussi à se créer que des problèmes. Une guilde implique nécessairement des compagnons, mais l’idée de communauté dépasse encore la jeune Gith. Elle ne supporte déjà plus l’exubérance bruyante de ses compagnons Ulaths, elle n’arrive plus à sourire devant l’air affecté de ses compagnons Giths. Ce qu’elle croyait une bonne idée s’est transformé en un piège parfait, une cage dorée aux barreaux chatoyants. Mais il y a des avantages.

Elle qui n’a toujours vécu que dans la solitude a croisé plusieurs guerriers au cours de ses débuts au centre d’entraînement. A ceux qui lui paraissaient prometteurs, à ceux qui semblaient plus sympathiques que les autres, parfois suivant une intuition, elle a proposé de rejoindre les Cendres et Neige. Beaucoup ont accepté, peut être en manque de compagnie également, peut être pour le charisme de la jeune Gith, souvent par amitié avec un membre déjà recruté. 

Et sans qu’elle ne s’en rende compte, Nuit s’est retrouvée à la tête d’une guilde de dizaine de personnes. Immédiatement, la confiance s’est établie entre eux et la complicité a vu le jour, comme s’ils s’étaient depuis toujours connus. Le caractère enjoué de la majorité a dû singulièrement faciliter cet état de fait. 

Quelques jours de plus, et la jeune prêtresse était conquise, la solitude définitivement remisée à l’arrière plan de ses préoccupations. 

Il y a tellement mieux à faire lorsque l’on est baronne que de s’inquiéter pour ces considérations. Il y a tellement plus à faire. 

Elle descend la pente herbeuse de la colline pour rejoindre le campement des Cendres. Ils n’ont pu encore s’implanter dans de grands locaux faute de moyens, mais leur demeure entre Astralas et Tritard comporte désormais suffisamment de chambres pour accueillir une petite vingtaine de personnes. Ils sont beaucoup moins pour l’heure. Les intégrations ont ralenti depuis que la guilde a trouvé sa stabilité, et les nouveaux arrivants doivent dorénavant se soumettre à une série d’épreuves, la première consistant à subir l’humour corrosif de la plupart des Cendres et Neige. 

Ce n’est pas plus mal du goût de Nuit. Il y a déjà suffisamment de choses à gérer. 

Arrivée au pied de la grande bâtisse de pierres blanches, la prêtresse contourne la façade nord pour s’enfoncer dans un bosquet de jeunes frênes planté spécialement pour l’occasion. Tous les Cendres et Neige savent qu’elle passe rarement la nuit au domaine et que ses heures de sommeil sont erratiques, mais bien peu connaissent l’existence de ce passage dérobé pour rejoindre sa chambre. 

Une incantation à voix basse, la terre s’ouvre pour laisser place à un petit escalier plongé dans la pénombre. Sans aucune hésitation, Nuit s’y engouffre tandis que le sol se referme sur elle. Dans les ténèbres, elle effleure une pierre lisse avec la force de l’habitude. Le minéral se pare d’une douce clarté qui baigne les lieux de son atmosphère irréelle. 

La prêtresse avance sans hésitation vers sa chambre, retenant un soupir. 

Assurément, si ses compagnons de guilde apprenaient que ce chemin existe, elle n’aurait plus la paix. Car même si elle les aime sincèrement, ce qu’elle ne leur avouera jamais évidemment, elle regrette leur tendance à avoir élevé au rang d’art les commérages. Ils jasent déjà suffisamment sur la moindre rencontre qu’elle peut faire, et plus particulièrement sur un beau Mage qui l’a séduite il y a peu de temps, s’ils savaient que...

Une ombre se déplace. Une masse sombre émerge à la limite de la tache de lumière. Nuit sursaute avant de reconnaître l’apparition. 

« Tu m’as fait peur, Méada ! »

La voix qui répond est rauque. Des crissements de pierre se font entendre. 

« Quand est-ce qu’il reviendra ? »

Nulle intonation, nulle réelle émotion, seulement la froideur. Nuit fait la moue. 

« Pas aujourd’hui. Si tu avais été moins brutale, il serait peut être plus enclin à revenir. Je ne sais pas ce que tu lui as fait, il s’est refusé à me le dire, mais je t’avais pourtant prévenue de le laisser passer ! »

Un grognement. Un choc sourd. Plusieurs morceaux se détachent du mur sous la rencontre d’un poing. 

« Je suis coincée nuit et jour dans ce passage noir. Tu es celle qui aimes l’obscurité au cas où cela t’aurait échappé. Si je n’ai pas le droit de m’amuser pour une fois que tu amènes de la visite... » 

La prêtresse éclate de rire avant de poser une main sur la joue granitique de la gargouille haute de deux têtes de plus qu’elle. 

« Je t’ai proposé de tisser un sort pour que tu puisses également garder l’entrée principale de la demeure, tu as refusé. Je n’ai rien d’autre à te proposer. 

 - Les autres créatures qui partagent les lieux ne me plaisent pas du tout. Ces Ulaths sont grossiers et constamment saouls. Je n’ai pas envie d’en cogner un, tu serais encore capable de me le reprocher ! Allez passe et oublie-moi. »

Une lueur de regret. 

« Je tâcherai de te trouver un compagnon de jeu, Méada, pour venir peupler ce souterrain. Je te le promets. »

Un grognement pour seule réponse. 

Cruelle déchéance pour un être d’une telle intelligence. Nuit regrette souvent qu’il en soit ainsi mais n’y peut rien. 

Elle poursuit sa route dans le souterrain, effleure un mur de pierre et repose le cristal lumineux qui s’éteint dès qu’il ne touche plus sa peau. Le pan bascule, et la prêtresse retrouve la quiétude sereine de sa chambre. Une bougie y est allumée, tremblotante sous le courant d’air qui pénètre par la fenêtre ouverte. 

Le temps de poser sa besace sur le lit, plusieurs coups sont tapés à la porte, arrachant à la prêtresse une grimace. 

Neltys l’attend sur le pallier, la mine soucieuse. Voilà bien une des plus grandes surprises de la Gith. Cette Ulath rôdeuse exubérante et téméraire est devenue sa confidente et son bras droit dans l’administration de la guilde. Il ne se passe plus une aventure qu’elles ne vivent ensemble et elles en viennent même à développer un mode de communication qui se passe bien souvent de mots tant elles sont sur la même longueur d’onde. 

Pour l’heure, la jeune cornue interrompt les pensées de sa baronne. 

« Nuit, on a besoin de toi ! Songo a ramené une paire de bottes enchantées de superbe qualité qu’il ne sait pas à qui donner, les guerriers ont encore blessé Boern en le chahutant un peu trop et il parait que le moyen de pénétrer dans les grottes humides a enfin été trouvé. Rapplique en quatrième vitesse, Cheffe. »

Un long soupir pour seule réponse. Neltys rit de la mine déconfite de son amie Gith et lui reproche avec malice : 

« Si tu passais moins de temps à courtiser les mages et plus à dormir, tu n’aurais pas cette mine affreuse au réveil !

- Si vous passiez moins de temps à faire les commères et à essayer de faire fuir mes rendez-vous et plus de temps à vous occuper de vos affaires, je n’aurais peut être pas besoin d’être sans cesse derrière vous ! Allez file avant que je ne devienne violente, j’arrive. »

Le rire qui accompagne l’Ulath dans le couloir en dit long sur sa crainte nulle des menaces de sa baronne. Nuit ne peut s’empêcher d’en sourire. Ils ont passé la soirée de la veille à venir la déranger pendant qu’elle discutait avec son beau Mage, prétextant de sa protection rapprochée pour tenter d’effrayer le Gith qui a fait face avec courage à cette invasion d’Ulaths, mais elle ne peut leur en vouloir. Ils ont le droit de s’amuser, après tout... Même si elle les aurait volontiers gratifiés de quelques claques si elle n’avait pas déjà su que leur force était infiniment supérieure à la sienne. 

Avec rapidité, elle troque sa courte robe blanche contre des vêtements plus adaptés qu’elle recouvre de la cape rouge de son ordre. Elle doit encore poursuivre le récit de leur épopée au sein du château de Soltefalon, mais le temps lui manque pour de telles tâches pour l’heure. Elle doit faire tant d’efforts pour enjoliver la réalité qu’il lui faudra plus d’énergie pour se lancer dans une telle aventure.  

Sans un regard en arrière, elle s’engouffre à son tour dans le couloir. La journée sera longue, mais elle repoussera encore un peu l’apparition du songe. 

Et peut être la nuit ne sera-t-elle pas solitaire.

14 novembre 2013

Nuit ~ Chute et renaissance (3)

Jour du départ +3

 

La fin est proche, je le sens. Depuis mon récit de l’autre jour, je n’ai pu bougé, incapable de quitter ma couche tant la douleur est intense. Un peu d’eau trouvée dans une outre proche est la seule chose que j’ai avalé, mais mon estomac meurtri semble ne pas en vouloir plus. Cette seule présence lui parait déjà odieuse tant il me fait souffrir. 

J’ai chaud. J’ai froid. Ma peau frissonne et tressaillit sans raison apparente. Tenir la plume est devenu délicat et je ne suis pas sûre que ce passage sera entièrement lisible. 

Je dors la plupart du temps, mais mes songes sont constellés d’émotions étranges et de souvenirs qui ne sont pas les miens. Je ne comprends pas et cela m’effraie. 

Je crois que [passage illisible]

J’entends des pas. Quelqu’un approche. Je ne mourrai pas seule. Adieu lecteur.

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